Réconciliation Israël – Turquie : risques et opportunités

erdogan netanyahu 2La réconciliation entre deux pays est un événement rare au Proche-Orient. Il est donc utile de revenir sur l’accord de réconciliation conclu le 26 juin dernier entre Israël et la Turquie qui a été relégué à l’arrière-plan par l’actualité très chahutée de la Turquie (des attentats et une tentative de coup d’Etat survenus peu après l’accord).

La tentative de coup d’Etat et les événements qui ont suivi avaient retardé la ratification de l’accord par le Parlement turc (le Cabinet israélien l’avait pour sa part ratifié dès début juillet). C’est désormais chose faite depuis le 20 août, ce qui ouvre la voie à l’échange d’ambassadeurs de part et d’autre.

Pourquoi un accord maintenant, après six ans de brouille diplomatique ?

Les principales raisons de coopérer entre ces deux puissances régionales étaient présentes depuis quelques années déjà et n’ont pas véritablement changé : coopération économique, en particulier sur l’exportation du gaz naturel israélien et coopération sécuritaire, en particulier en matière de lutte contre le terrorisme. Ce qui a surtout changé, c’est l’isolement de la Turquie : en effet, la prise de position pro-Frères musulmans en Egypte, la prise de position activement pro-sunnite dans la guerre en Syrie, les désaccords avec Washington sur l’alliance kurde contre l’Etat islamique, l’impact de la crise des réfugiés sur les relations avec l’Union européenne, un début de crise avec la Russie[1] et enfin les tendances accrues à l’autoritarisme en interne ont fini par réduire considérablement l’influence de la Turquie dans la région et au-delà. Un rapprochement avec Israël lui permet, de fait, d’amoindrir cet isolement.

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Elections en Turquie : conséquences sur les relations avec Israël et la région

Les relections 2015_1ésultats des législatives du 7 juin ont été salués par de nombreux observateurs internationaux et par des millions de Turcs comme un sérieux revers pour le Président Erdoğan. Celui-ci avait fait de ce scrutin un référendum autour de sa personne et souhaitait obtenir au moins 330 sièges (sur 550) pour son parti AKP, ce qui lui aurait permis de modifier la Constitution pour remplacer le système parlementaire actuel par un système présidentiel.
Non seulement l’AKP n’a pas obtenu les 330 sièges, mais avec 258 sièges seulement, il a de surcroît perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale, pour la première fois depuis 2002. (Ses voix ont reculé de 49% en 2011 à 41% en 2015, alors que le parti CHP de centre gauche a obtenu 132 sièges avec 25% des voix et le parti de droite nationaliste MHP en a obtenu 80 avec 16% des voix.)
Mais surtout – et c’est une première dans le paysage politique turc – le parti kurde HDP (Parti démocratique du peuple) a réussi à obtenir 80 sièges en franchissant la barre des 10% imposée aux partis pour être représenté au Parlement et en recueillant au-delà des Kurdes, des voix progressistes-libérales dans les grandes villes comme Istanbul [1]. Le pari était risqué pour le HDP car en cas d’échec ses voix auraient été automatiquement portées au crédit de l’AKP selon le système en vigueur.

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Erdoğan : pas possible de normaliser les relations avec l’actuel gouvernement israélien

Photo AFP

Photo AFP

C’est ce qu’a affirmé le Président de la République de Turquie Recep Tayyip Erdoğan lors d’une conférence organisée le vendredi 31 octobre par l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) à Paris. Il n’a ajouté rien de nouveau à sa position désormais bien connue : la prise en compte des trois conditions pour une re-normalisation des relations bilatérales après l’épisode de la flottille pour Gaza, à savoir, les excuses, les réparations et la levée du blocus sur Gaza, avait bien avancé. Toutefois, « Israël ayant attaqué Gaza », il n’a plus été possible de poursuivre les travaux de rapprochement.

Erdoğan a éprouvé le besoin d’ajouter : « nous n’avons pas de problème avec le peuple israélien ni avec nos concitoyens de confession juive ».

Le Président turc était en France pour une demi-journée de travail avec le Président Hollande avec lequel il a discuté, entre autres, du projet de construction d’une centrale nucléaire à Sinop sur la côte de la mer Noire. (Ce contrat de 17 milliards d’euros attribué à un consortium franco-japonais dans lequel on retrouve Areva avait déjà fait l’objet d’une signature entre Erdoğan et le Premier ministre japonais Shinzo Abe.)

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La Turquie et les Juifs : état des lieux

1. Rappel des principaux événements

Si on devait retenir une seule chose, c’est qu’il reste à ce jour environ 17 000 Juifs en Turquie – alors qu’ils étaient plus de 100 000 à la fin de la Première Guerre mondiale (1) – et que les projections démographiques montrent que la communauté va malheureusement disparaître d’ici 30 à 40 ans.

Les Juifs de Turquie sont à 95% les descendants des Juifs espagnols expulsés en 1492. Les 5% restants sont des Ashkénazes descendants des Juifs s’étant enfuis d’Allemagne au XVIIème siècle et de Pologne, d’Autriche-Hongrie et de Russie au XIXème siècle, ainsi qu’un très petit nombre de Karaïtes.

Une caractéristique invariante des Juifs de Turquie depuis la période ottomane est qu’ils sont toujours restés à la fois discrets et dociles vis-à-vis du pouvoir, beaucoup plus que les Grecs et les Arméniens (les deux autres principales communautés non-musulmanes). Ceci s’explique par le fait que contrairement aux Grecs et Arméniens qui pouvaient compter, éventuellement, sur le soutien des puissances occidentales chrétiennes, les Juifs n’avaient souvent personne sur qui compter. En tout cas, globalement, ils ont été plus protégés par le pouvoir que les Chrétiens.

En effet, les deux grandes tragédies en Turquie ont été subies : 1. par les Arméniens en 1915, dans les toutes dernières années de l’Empire ottoman (entre 600 000 et 1 500 000 tués lors de déportations massives et de massacres) et 2. par les Grecs en 1923 (1 300 000 contraints de partir en Grèce, dans le cadre de l’échange de populations décidée entre la Grèce et la Turquie).

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Turquie – Israël : état des lieux

1. Avant l’arrivée d’Erdoğan : des intérêts convergents

On connaît tous cette citation attribuée à Golda Meir : « Moïse nous a amenés dans le seul coin du Moyen-Orient où il n’y a pas une goutte de pétrole ». Elle avait raison. Pourtant depuis que l’on a découvert de très importants gisements de gaz naturel au large des côtes d’Israël en 2010, les choses ont bien changé. Et justement ce gaz naturel israélien est susceptible de devenir un facteur déterminant dans les relations entre la Turquie et Israël.

Dans les relations récentes entre Israël et la Turquie, il y a un « avant la flottille pour Gaza » et un « après la flottille pour Gaza ». Je parlerai surtout de l’« après », mais je souhaite quand même rappeler quelques points clés de l’« avant ».

On peut distinguer deux périodes : de 1949 (1) à 2002 et de 2002 à 2010 (2002 est l’année où le parti AKP de l’actuel Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan est arrivé au pouvoir). Dans la première période, même s’il y a des hauts et des bas (souvent fonction des conflits entre Israël et les pays arabes), il n’y a jamais de rupture des relations, malgré les pressions arabes (2). La Turquie est bien ancrée dans le camp occidental, membre de l’OTAN, alliée importante des Etats-Unis et les relations avec Israël sont tirées par des intérêts convergents.

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L’Europe contre la circoncision ?

La circoncision des garçons est-elle comparable à l’excision des jeunes filles ?

En tout cas dès les premières lignes de la Résolution 1952 intitulée « Droit des enfants à l’intégrité physique » que l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) (1) a adoptée le 1er octobre dernier, on peut lire que les mutilations génitales féminines et la circoncision de jeunes garçons pour motifs religieux font partie des « pratiques particulièrement préoccupantes ».

On peut comprendre que cette formulation, perçue à juste titre comme un amalgame, ait pu choquer les communautés juive et musulmane, en France comme dans le reste de l’Europe. Ni la distinction faite entre ces deux pratiques dans la deuxième partie de la Résolution (2) ni les explications de la rapporteure du texte n’ont suffi à calmer les esprits.

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UE – Turquie : on se parle de nouveau !

Il y a tout juste un an, Burhan Kuzu, le président de la Commission constitutionnelle de l’Assemblée nationale turque et membre du parti AKP au pouvoir, jugeant le rapport d’avancement de la Commission européenne pour la Turquie « bon pour la poubelle », joignait le geste à la parole et le jetait par terre au cours d’une émission de télévision ! Un an plus tard, le dernier rapport en date a fort heureusement bénéficié d’une meilleure réception.

Cela est dû à des changements survenus depuis fin 2012 : dès février 2013, la France annonçait par la voix de son ministre des Affaires étrangères qu’elle était favorable à la reprise des discussions d’adhésion avec la Turquie, premier geste allant dans le sens d’une « réparation des dégâts » occasionnés aux relations franco-turques lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy (1). Dans le sillage de la France, Angela Merkel déclarait quelques jours plus tard que l’Allemagne y était également favorable.

Les négociations auraient dû reprendre en juin mais la répression violente de la contestation place Taksim à Istanbul en mai et juin a naturellement refroidi les membres de l’Union. Il a fallu attendre jusqu’au 22 octobre pour que les représentants des 28 pays membres décident – à l’unanimité, comme le stipulent les règles de l’UE – la reprise des négociations. Enfin, après trois années passées au point mort, les discussions ont effectivement repris le 5 novembre avec l’ouverture du Chapitre 22 portant sur la « Politique régionale et la coordination des instruments structurels », visant à réduire les écarts socio-économiques entre les régions.

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Sexisme à l’Assemblée nationale française, vu par un Turc

La députée Véronique Massonneau

La députée Véronique Massonneau

Même en France, il s’avère qu’il peut encore arriver à une députée de faire l’objet de remarques sexistes à l’Assemblée Nationale. Lors du débat sur la réforme des retraites le 8 octobre dernier, la députée écologiste Véronique Massonneau qui défendait un amendement a été interrompue par le député UMP Philippe Le Ray qui s’est moqué de sa collègue en imitant les « caquètements » d’une poule.

On peut être déçu de l’irresponsabilité d’un élu donnant un tel exemple de grossièreté à un moment où les personnages politiques souffrent d’un discrédit croissant dans l’opinion publique et que l’extrême droite monte en puissance. Déçu, mais finalement pas surpris qu’un député exprime ce qui est sans doute le fond de sa pensée car des comportements misogynes similaires ont été observés à plusieurs reprises dans le passé. En effet, des personnalités comme Dominique Voynet, Roselyne Bachelot, Michèle Barzach, Edith Cresson, Elisabeth Guigou, Catherine Trautmann, Rachida Dati et Cécile Duflot ont toutes fait l’objet d’attaques sexistes, souvent liées à leur physique ou leur tenue vestimentaire.

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