Réconciliation Israël – Turquie : risques et opportunités

erdogan netanyahu 2La réconciliation entre deux pays est un événement rare au Proche-Orient. Il est donc utile de revenir sur l’accord de réconciliation conclu le 26 juin dernier entre Israël et la Turquie qui a été relégué à l’arrière-plan par l’actualité très chahutée de la Turquie (des attentats et une tentative de coup d’Etat survenus peu après l’accord).

La tentative de coup d’Etat et les événements qui ont suivi avaient retardé la ratification de l’accord par le Parlement turc (le Cabinet israélien l’avait pour sa part ratifié dès début juillet). C’est désormais chose faite depuis le 20 août, ce qui ouvre la voie à l’échange d’ambassadeurs de part et d’autre.

Pourquoi un accord maintenant, après six ans de brouille diplomatique ?

Les principales raisons de coopérer entre ces deux puissances régionales étaient présentes depuis quelques années déjà et n’ont pas véritablement changé : coopération économique, en particulier sur l’exportation du gaz naturel israélien et coopération sécuritaire, en particulier en matière de lutte contre le terrorisme. Ce qui a surtout changé, c’est l’isolement de la Turquie : en effet, la prise de position pro-Frères musulmans en Egypte, la prise de position activement pro-sunnite dans la guerre en Syrie, les désaccords avec Washington sur l’alliance kurde contre l’Etat islamique, l’impact de la crise des réfugiés sur les relations avec l’Union européenne, un début de crise avec la Russie[1] et enfin les tendances accrues à l’autoritarisme en interne ont fini par réduire considérablement l’influence de la Turquie dans la région et au-delà. Un rapprochement avec Israël lui permet, de fait, d’amoindrir cet isolement.

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Erdoğan : pas possible de normaliser les relations avec l’actuel gouvernement israélien

Photo AFP

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C’est ce qu’a affirmé le Président de la République de Turquie Recep Tayyip Erdoğan lors d’une conférence organisée le vendredi 31 octobre par l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) à Paris. Il n’a ajouté rien de nouveau à sa position désormais bien connue : la prise en compte des trois conditions pour une re-normalisation des relations bilatérales après l’épisode de la flottille pour Gaza, à savoir, les excuses, les réparations et la levée du blocus sur Gaza, avait bien avancé. Toutefois, « Israël ayant attaqué Gaza », il n’a plus été possible de poursuivre les travaux de rapprochement.

Erdoğan a éprouvé le besoin d’ajouter : « nous n’avons pas de problème avec le peuple israélien ni avec nos concitoyens de confession juive ».

Le Président turc était en France pour une demi-journée de travail avec le Président Hollande avec lequel il a discuté, entre autres, du projet de construction d’une centrale nucléaire à Sinop sur la côte de la mer Noire. (Ce contrat de 17 milliards d’euros attribué à un consortium franco-japonais dans lequel on retrouve Areva avait déjà fait l’objet d’une signature entre Erdoğan et le Premier ministre japonais Shinzo Abe.)

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Turquie – Israël : état des lieux

1. Avant l’arrivée d’Erdoğan : des intérêts convergents

On connaît tous cette citation attribuée à Golda Meir : « Moïse nous a amenés dans le seul coin du Moyen-Orient où il n’y a pas une goutte de pétrole ». Elle avait raison. Pourtant depuis que l’on a découvert de très importants gisements de gaz naturel au large des côtes d’Israël en 2010, les choses ont bien changé. Et justement ce gaz naturel israélien est susceptible de devenir un facteur déterminant dans les relations entre la Turquie et Israël.

Dans les relations récentes entre Israël et la Turquie, il y a un « avant la flottille pour Gaza » et un « après la flottille pour Gaza ». Je parlerai surtout de l’« après », mais je souhaite quand même rappeler quelques points clés de l’« avant ».

On peut distinguer deux périodes : de 1949 (1) à 2002 et de 2002 à 2010 (2002 est l’année où le parti AKP de l’actuel Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan est arrivé au pouvoir). Dans la première période, même s’il y a des hauts et des bas (souvent fonction des conflits entre Israël et les pays arabes), il n’y a jamais de rupture des relations, malgré les pressions arabes (2). La Turquie est bien ancrée dans le camp occidental, membre de l’OTAN, alliée importante des Etats-Unis et les relations avec Israël sont tirées par des intérêts convergents.

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